La chambre d’échos (ou l’art comme métaphore)

Dans La chambre double, Marie-Michelle Deschamps utilise la métaphore de l’hôtel afin de décrire le fonctionnement du langage. D’une halte à l’autre, le lecteur accompagne avec un étonnement médusé ce parcours savamment déployé. Et il ne peut qu’acquiescer à ce manifeste, démonstration subtile qui pourtant n’a rien de programmatique. Il s’agit avant tout de mettre en relation les mots et les choses, de donner à voir entre les lignes du texte le langage comme expérience.

Projet d’autant plus séduisant que le langage, en soi, est déjà une métaphore du réel auquel il renvoie de façon distanciée. Cette propriété métaphorique du langage, Édouard Glissant l’a nommée opacité, signifiant par là ce qui, dans le discours et dans la culture, résiste à la transparence et à l’univocité du sens. Ce qui se laisse appréhender par un partage procédant de l’émotion et de l’écoute davantage que de la raison. Ce qui procède de la diversalité du monde et se décline dans le détail infime aussi bien que dans la fresque plus bavarde.

L’art participe de cette capacité de « dire sans dire tout en le disant » que Glissant attribue à certains écrivains. Comme le langage, l’art est métaphore. L’artiste transpose, traduit, voire trahit le réel. À ce titre, il procède par citations et fragments. Ainsi du travail de Marie-Michelle Deschamps qui a partie liée avec le langage et l’écriture. Le récit est là, en écho au texte-manifeste auquel il renvoie.

S’il fallait décrire par une nouvelle métaphore l’exploration à laquelle nous convie l’artiste, je suggère celle du livre–palimpseste dans lequel certaines pages effacées par l’usure du temps auraient été réécrites avec patience, Marie-Michelle Deschamps proposant à travers ses œuvres les composantes d’une trame à la texture à la fois rigoureuse et énigmatique.

Lise Gauvin